La conception subjective définit la valeur comme l'expression de l'intérêt qu'un agent particulier porte à un bien ou à un service, qui résulte d'un processus psychologique d'évaluation. C'est une notion subjective et privée dont la formation et l'explication relèvent de la psychologie et non de l'économie, et qui constitue une donnée externe pour le raisonnement économique. Le prix est une notion distincte, qui résulte du fonctionnement effectif des mécanismes du marché, et qui seule a un sens économique. Formation de la valeur et formation du prix sont considérés comme deux processus distincts, seul le second relevant de l'analyse économique,
La conception objective pose que tout bien a une valeur indépendante de l'observateur, qui résulte des conditions de sa production et peut être déterminée par un calcul économique à partir des conditions et des coûts de production du bien ou du service. Le prix est alors généralement considéré comme une mesure de cette valeur.
La conception subjective est dominante depuis l'origine de la pensée économique (Aristote, Thomas d'Aquin). Elle a été maintenue par les classiques français (Turgot, Say), alors que la conception objective a été proposée d'abord par les Physiocrates avec comme référence la terre, puis par les classiques anglais avec comme référence le travail, et enfin reprise par les économistes marxistes.
Bien que fondamentalement adeptes de la conception subjective, les économistes du courant dominant néoclassique utilisent souvent les mots prix et valeur de façon interchangeable, Ce qu'ils appellent « théories de la valeur » sont plus précisément des théories de la formation des prix, censés représenter une « valeur sociale » plus ou moins objectivée. Seuls les économistes du courant « autrichien » s'efforcent d'être fidèles à cette distinction, sans toujours y parvenir.
Sommaire
Une conception objective de la valeur: le travail
Article détaillé : Valeur_travail_(économie).
Dans cette perspective la valorisation d'un bien est fondée sur un facteur objectif, matérialisé par un critère mesurable, le travail.Vision physiocratique
Les physiocrates et particulièrement François Quesnay mettent en avant la valeur provenant de la nature. Elle repose sur l’idée que seule la production agricole est créatrice de richesses et que toute autre activité artisanale ou commerciale n’est que l’addition de travail aux matières premières issues directement ou indirectement des produits de la terre.Ainsi, l'estimation de la valeur résulte de l'agrégation de " la valeur des produits naturels constituant le capital nécessaire à une production + la valeur des produits naturels nécessaires à la reproduction de la force de travail " .
Vision des économistes classiques anglais
Les économistes Adam Smith et David Ricardo distinguent plusieurs valeurs comme la valeur d'échange et la valeur d'usage. Ces penseurs s'intéressent à la valeur d'échange, ils cherchent une cause objective pouvant expliquer les prix des commodités. Suivant William Petty1, John Locke, qui justifie la propriété individuelle par le travail, et David Hume2 ils identifient le travail comme jouant un rôle essentiel dans la détermination de la valeur d'un bien.Adam Smith identifie le travail comme étant la source de la richesse des nations.
"The annual labour of every nation is the fund which originally supplies it with all the necessaries and conveniences of life which it annually consumes, and which consist always either in the immediate produce of that labour, or in what is purchased with that produce from other nations."3Selon lui la valeur d'un bien est égale à la quantité de travail que cette marchandise peut acheter ou commander.
"Labour was the first price, the original purchase-money that was paid for all things. It was not by gold or by silver, but by labour, that all the wealth of the world was originally purchased; and its value, to those who possess it, and who want to exchange it for some new productions, is precisely equal to the quantity of labour which it can enable them to purchase or command." 4Il identifie le travail comme étant non seulement une composante du prix mais aussi à l'origine du profit et de la rente.
"The real value of all the different component parts of price, it must be observed, is measured by the quantity of labour which they can, each of them, purchase or command. Labour measures the value not only of that part of price which resolves itself into labour, but of that which resolves itself into rent, and of that which resolves itself into profit." 4David Ricardo développe la notion de valeur travail introduite par Adam Smith et cherche à comprendre comment le travail se transfert en profit et en rente. Il commence par transformer la notion de valeur travail. Pour lui la valeur d'un bien est égale, non à la quantité de travail qu'il peut commander, mais à la quantité de travail, direct et indirect, nécessaire à sa fabrication.
"The value of a commodity, or the quantity of any other commodity for which it will exchange, depends on the relative quantity of labour which is necessary for its production, and not on the greater or less compensation which is paid for that labour."5Pour les penseurs classiques les taux de profit d'industries différentes tendent à se rapprocher vers une même valeur basse à mesure que la compétition entre les entreprises augmente. L'idée étant que si un secteur est plus rentable que les autres il attire naturellement de nouveaux investisseurs qui quittent d'autres secteurs aux taux de rentabilité plus faibles.
"In a country which had acquired its full complement of riches, where in every particular branch of business there was the greatest quantity of stock that could be employed in it, as the ordinary rate of clear profit would be very small," 6Ce constat a une implication sur la valeur des biens. Ricardo pose la question de savoir si la valeur travail est compatible avec un taux de rentabilité uniforme parmi toutes les industries. La réponse est non si les instruments de productions ont des durées de vie différentes (voir "durability of the instruments of production" chez Ricardo). Aussi le concept valeur-travail ne semble pas cohérent avec les autres propriétés basiques d'une économie.
Karl Marx
Karl Marx reprend l'idée de la valeur-travail développé par Ricardo: la valeur d'un bien dépend de la quantité de travail direct et indirect nécessaire à sa fabrication. Mais alors que Ricardo considère le travail comme une commodité ordinaire7, Marx juge l'expression 'valeur du travail' incorrecte partant du principe que le travail est à l'origine de toute valeur. Pour Marx les salaires ne représentent pas la valeur du travail mais la location de la force de travail du salarié (Arbeitskraft). Il propose l'explication suivante à l'origine du profit : de la valeur nouvellement créée, le salaire du travailleur ne représente que la part nécessaire à sa propre survie, le reste constituant la plus-value (marxisme) créée par son travail.Pour rendre la valeur travail compatible avec un taux de plus-value uniforme parmi les industries, Marx radicalise la division du capital introduite par Adam Smith. Il distingue la part nécessaire au paiement des salaires,capital variable (de), du reste, le capital fixe. Selon Marx seul le travail permet une augmentation du capital, d'où le terme variable. Cette décomposition permet de poser les bases d'un système concept de valeur-travail compatible un taux uniforme des profits. (voir Le problème de transformation chez Marx (en))
industrie | capital total | capital fixe | capital variable | taux de plus-value | plus-value | taux de profit | valeur totale |
---|---|---|---|---|---|---|---|
C + V | C | V | r | S = r V | p = S/(C+V) | C+V+S | |
X | 1000 | 500 | 500 | 0.6 | 300 | 300 = 30 % | 1300 |
y | 1000 | 750 | 250 | 0.6 | 150 | 150 = 15 % | 1150 |
Vision des marxistes
Les Marxistes apportent les nuances suivantes :- L'utilisation de machines dans la production ne change en rien cette analyse objective de la valeur puisqu'une machine ne produit pas de valeur mais transmet simplement la sienne au bien qu’elle produit : la valeur dégagée par une machine est égale à l'usure de celle-ci, car une machine n’est que du travail accumulé (Marx).
- la valeur d'un bien est affectée par l'expression d'un certain type de rapport social de production, déterminé par l'état des forces productives8.
- la valeur est aussi une propriété émergente du fétichisme de la marchandise qui vient de ce que :
- les hommes s'en remettent à la circulation des choses dans le cadre concurrentiel de l'équivalence généralisée pour établir des liens productifs entre eux. Elle n'aurait donc de sens que dans le cadre d'une économie de marché.
- la valeur est l'expression d'un rapport social de production qui se décompose en trois aspects :
- sa forme (l'échangeabilité qui induit la coordination des producteurs de marchandises sans organisation préalable),
- sa substance (le travail abstrait qui représente le travail socialement nécessaire pour produire la marchandise)
- et sa grandeur (la quantité de travail abstrait déterminé par l'état des forces productives)8.
Conception subjective de la valeur : l'utilité
Le concept d'utilité, attribuant à chaque personne des goûts et des besoins différents, a la faveur de la grande majorité des économistes contemporains. L'origine de ce courant est ancienne. On peut le faire remonter à Démocrite, à St Thomas d'Aquin, et aux scolastiques espagnols.Les économistes classiques français
Étienne Bonnot de Condillac évoque l'exemple de la valeur d'un verre d'eau dans le désert pour montrer combien l'utilité et la valeur d'usage sont en réalité le fondement unique de la valeur. Turgot et Say reprennent la notion à leur compte. (Voir à la même époque les travaux du mathématicien Daniel Bernoulli.)École néoclassique
Les économistes marginalistes considèrent la valeur comme étant la mesure du désir qu'un agent économique éprouve pour un bien ou un service. C'est alors une appréciation subjective non mesurable, liée aux préférences de la personne compte tenu de sa situation actuelle. William Jevons développe lors d’un congrès en 1862 la notion de « degré final d’utilité » (utilité marginale). Pour reprendre l'exemple du verre d'eau, un homme assoiffé dans le désert est prêt à payer une « fortune » pour UN verre d'eau, un peu moins pour le deuxième quand il s'est déjà abreuvé, encore moins pour le troisième, etc., et ce indépendamment de sa valeur de production. William Jevons introduit donc une subjectivité dans la détermination de la valeur. La théorie néoclassique adopte cette conception de la valeur comme liée à l'utilité dégagée par la dernière unité échangée et à la satisfaction des autres besoins. La formation des prix ne dépend alors plus que de cette utilité marginale.La problématique de l'équilibre général, introduite par Léon Walras et développée dans son formalisme mathématique par Arrow et Debreu, est basée sur le concept d'utilité. Dans ce modèle les prix sont la conséquence de préférences individuelles modélisées par des fonction d'utilités.
L'école autrichienne d'économie, qui s'écarte de l'école néo-classique car refusant des méthodes scientifiques comme la formalisation de modèles mathématiques, développe plus avant une conception subjective de la valeur considérant que l'étude de la formation de la valeur relève de la psychologie et non de l'économie. « Le domaine de notre science est l’action humaine, pas les événements psychologiques qui résultent en une action » ou encore « L'économie commence là où la psychologie s'arrête » (Ludwig von Mises).
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