View: Géopolitique

Translate

vendredi 30 août 2013

Géopolitique


 Ne doit pas être confondu avec Géographie politique ni Géostratégie.
Le terme -forgé à partir du grec γη (« terre ») et πολιτική (« politique »)- apparaît en 1889 sous la plume du professeur de science politique/géographie suédois Rudolf Kjellén (1864-1922) dans un article de journal qui évoque les frontières suédoises1, puis dans un ouvrage, Stormakterna (Les grandes puissances) 2.
« La géopolitique est la science de l'État comme organisme géographique ou comme entité dans l'espace : c'est-à-dire l'État comme pays, territoire, domaine ou, plus caractéristique, comme règne. Comme science politique, elle observe fermement l'unité étatique et veut contribuer à la compréhension de la nature de l'État. » 3.
C'est en Allemagne que la notion de géopolitique se construit, sous l'impulsion fondatrice de Friedrich Ratzel (1844-1904) puis se développe dans ce pays, mais aussi en Grande-Bertagne et aux États-Unis .
Cependant du fait qu'elle a pu servir à légitimer la puissance et l'expansionnisme allemand, ainsi que l'idéologie nazie cette discipline -fortement connotée dans le contexte de l'immédiat après guerre- est temporairement proscrite notamment en France.
Pourtant la nécessité pour les décideurs politiques et les citoyens de mieux comprendre les conflits qui les entourent et ainsi d'en comprendre les enjeux a contribué, depuis les années 1980, au renouveau de cette discipline. À ce titre c'est au cours de la guerre du Viêt Nam puis du conflit qui oppose les Khmers rouges aux Nord-Vietnamiens, que la géopolitique retrouve sa pleine légitimité.
Selon Alexandre Defay 4, « La géopolitique a pour objet l'étude des interactions entre l'espace géographique et les rivalités de pouvoirs qui en découlent. (…) elle est le terrain de manœuvre de la puissance locale, régionale ou mondiale. (…)  » 5 L'approche géopolitique ne tente pas seulement de décrire et d'analyser des enjeux et conflits « objectifs » , elle traite « de conflits relatifs à des territoires représentés , c'est-à-dire des territoires qui -pour ceux qui les habitent, qui les convoitent ou encore qui les décrivent - sont imaginés. (…) Autrement dit , on peut aller jusqu'à affirmer comme le fait Thierry de Montbrial 6 que la géopolitique est la partie de la géographie politique qui s'occupe des idéologies relatives au territoires. »

Genèse de la géopolitique

La pratique précède le concept

La géopolitique est pratiquée bien avant que le terme n'apparaisse. Les rivalités de pouvoirs se sont exprimées dans toutes les sociétés , même dans les sociétés sans État7. « Mais c'est avec la naissance de l'État, au proche-Orient , trois mille ans avant notre ère que l'espace acquiert une dimension géopolitique permanente . désormais l'espace n'est plus seulement façonné et cloisonné par la diversité du milieu naturel et par celle du peuplement mais aussi par l'exercice de souverainetés étatiques concurrentes. Au regard de ces dernières, l'espace est le théâtre et l'enjeu de leurs rivalités. » .
Sur un mode pragmatique les écrits d'auteurs comme Machiavel ou Clausewitz explicitent les « bonnes pratiques » à employer pour comprendre et exploiter les rapports de forces.
La célèbre formule de Napoléon Bonaparte « Tout État fait la politique de sa géographie » signifie selon A. Defay 8, d'une part la représentation que l'état se fait à un moment donné de sa géographie mais aussi d'autre part les moyens concrets (humains et économiques) dont il dispose pour l'appréhender. « Faute de quoi cette formule pourrait laisser croire à un déterminisme du milieu sur le politique, piège dans lequel sont tombés plusieurs des premiers théoriciens de la géopolitique

Contexte de fondation de la géopolitique

Née comme d'autres sciences humaines dans les dernières décennies du XIX° siècle, la discipline est le produit d'un contexte historique particulier 9 : Ses débuts portent résultent d'une composante scientifique ( marquée par le Scientisme et le Darwinisme) , d'une composante technologique ( les inventions technologiques raccourcissent l'espace, et les enjeux prennent une dimension planétaire ), d'une composante politique ( exacerbation de l'Etat-Nation et du sentiment national, appétits territoriaux avivés par la question coloniale ).
Le terme de géopolitique avancé par le géographie suédois Rudolf Kjellén (1864-1922) reprend des éléments de géographie politique énoncés par le géographe allemand Friedrich Ratzel, considéré comme le père de la Geopolitik allemande. Ratzel analyse l'État en rapport avec sa géographie, son espace, son milieu, les deux sont en interactions. Dans son ouvrage Politische Geographie oder die Geographie der Staaten, des Verkehrs und des Krieges10, l'État est perçu comme un être vivant. À la suite des analyses de Kjellén et de Friedrich Ratzel, nombre d'universitaires et de militaires vont mettre au point des analyses géopolitiques au service de leur pays.

Premières écoles de Géopolitique

Plusieurs écoles de pensée alimentent le mouvement :

L'École allemande : die Geopolitik

Friedrich Ratzel.
La géopolitique allemande – ou Geopolitik – repose sur les approches théoriques de Ratzel (1844-1904), qui donnera naissance à l'École de Berlin. Cette Geopolitik émerge avec la naissance du IIe Reich, dans la deuxième partie du XIXe siècle, qui cherche à se donner une légitimité territoriale et renforcer sa puissance. Elle est fortement influencée par des approches naturalistes ou environnementales comme celle du géographe Carl Ritter, de la pensée hégélienne notamment diffusée par son disciple Ernst Gapp, ou encore le darwinisme social passé entre les mains du biologiste philosophe Ernst Haeckel, le père du terme « écologie ».
L'approche géographique de Ratzel, interprétée comme géopolitique, s'applique à démontrer que l'État, thème principal des travaux géopolitiques, est « comme un être vivant qui naît, grandit, atteint son plein développement, puis se dégrade et meurt »11. L'État, pour vivre (ou survivre), doit s'étendre et fortifier son territoire. À travers ce prisme, Ratzel défend l'idée que l'Allemagne pour vivre doit devenir un véritable empire et donc posséder un territoire à sa mesure. Pour cela, il faut que le politique mette en place une politique volontariste afin d'accroître la puissance de l'État. Ce dernier a donc besoin pour se développer de territoires, d'un espace, l'espace nourricier, le Lebensraum (terme inventé par Ratzel), l'espace de vie (souvent traduit par espace vital).
Les successeurs de Ratzel mettent cette nouvelle discipline au service du Prince et elle sera appliquée sous le IIIe Reich. Ils proposent au régime nazi une approche cartographique du monde où les « Grands Peuples » (grandes puissances) se partagent la planète en fonction d'alliances et d'une hiérarchie raciale des peuples. Cette Geopolitik active s'inscrit contre l'idée du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes émise par la SDN. Parmi les disciples de Ratzel, il faut citer le général bavarois Karl Haushofer (1869-1946) qui affine la notion d'espace de vie et la perception de l'espace dans un but hégémonique. Après la défaite de 1918, il devient l'un des chantres de la puissance allemande. Haushofer prévoit un partage du monde en quatre zones :
  1. une zone paneuropéenne recouvrant l'Afrique et dominant le Moyen-Orient ; dominée par l'Allemagne,
  2. une zone panaméricaine dominée par les États-Unis,
  3. une zone panrusse incluant l'Asie centrale et l'Asie du Sud dominée par la Russie,
  4. une zone panasiatique dominée par le Japon, alliée de l'Allemagne, recouvrant l'Extrême-Orient (Chine), l'Asie du Sud-Est et le Pacifique Nord. Cette partition du monde permet de contrer l'encerclement anglo-saxon.
Cette application par le politique d'une discipline percevant l'État comme un organisme et à but hégémonique est appliquée au cours de la Seconde Guerre mondiale.
À la suite de ses dérives, au sortir de la guerre, la géopolitique tant en Allemagne qu'ailleurs dans le monde est bannie des milieux universitaires et des États-majors, au profit d'autres approches du monde. D'ailleurs, les disciplines géographiques ont renoncé à réutiliser ces approches jusqu'aux années 1970-1980.

L'École anglo-américaine : Théorie du Heartland, Rimland et Sea power

On doit à l'historien hongrois Emil Reich l'apparition du terme en anglais12 dès 1902, puis plus tard en 1904 dans son ouvrage Foundations of Modern Europe13,14,15.

Alfred Thayer Mahan et le sea power

Cette École définit la puissance d'un État (en l'espèce le Royaume-Uni) par la domination des mers ou océans (théorie de l'empire maritime). Alfred Thayer Mahan, commentateur de la stratégie navale mondiale et des relations internationales pensait que le leadership international était étroitement liée à la mer tant dans une optique commerciale en temps de paix que du contrôle de cette dernière en temps de guerre. Son travail consiste donc dans l'étude des principes stratégiques historiques régissant le contrôle des mers. Ce dernier s'inspire du travail de Jomini, en se focalisant sur la question des positionnements stratégiques.

Mackinder et le Heartland

Principal contributeur, Halford Mackinder (1861-1947) conçoit la planète comme un ensemble composé par un océan mondial (9/12e), une île mondiale (2/12e - Afrique, Asie, Europe) et de grandes îles périphériques ou Outlyings Islands (1/12e - Amérique, Australie).
Pour Mackinder, afin de dominer le monde, il faut dominer l'île mondiale et principalement le cœur de cette île, le Heartland, véritable pivot géographique du monde (allant de la plaine de l'Europe centrale à la Sibérie occidentale et en direction de la Méditerranée, du Moyen-Orient et de l'Asie du Sud). Ainsi, l'Empire britannique, qui s'est construit sur la domination des océans, doit désormais, pour rester une grande puissance mondiale, s'attacher à se positionner sur terre en maîtrisant les moyens de transport par voie de chemin de fer. L'approche géopoliticienne anglaise renvoie à cette volonté de domination du monde via le commerce, en contrôlant les mers, puis désormais les terres, se faisant l'héritière directe, non seulement de la géopolitique allemande, mais aussi des premiers navigateurs anglais, comme Walter Raleigh : « Qui tient la mer tient le commerce du monde ; qui tient le commerce tient la richesse ; qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même ».
La géopolitique de Mackinder est à replacer dans une perspective de concurrence entre la puissance maritime britannique et la puissance allemande qui, à travers son contrôle de la Mitteleuropa, tend vers le contrôle du heartland (voir Théorie du Heartland).

Nicholas Spykman et le Rimland

Nicholas Spykman peut être considéré comme un disciple critique d'Alfred Mahan et Halford Mackinder. Son travail se fonde sur les mêmes postulats que ceux de Mackinder: L'unité de la politique globale et des mers. Ce dernier étend en outre cette théorie à la dimension aérienne. Spykman tout en adoptant les divisions géographiques de Mackinder renomme certaines:
  • Le Heartland;
  • Le Rimland; Les coastlands de Mackinder - qu'il appelle "bord des terres" ou "anneau des terres". Ce territoire périphérique serait coincé entre le cœur européen (Allemagne, Russie) et les mers contrôlés par les Anglais.
Spykman pense que les États-Unis doivent contrôler les États de ce rimland afin de s'imposer comme puissance entre ces empires européens et ainsi dominer le monde.
L'École américaine a aussi expliqué comment les grands empires d'Asie avaient réussi à se stabiliser dans le temps en se basant seulement sur l'administration très hiérarchisée de l'irrigation dans les territoires ou l'Asie des moussons. C'est la théorie des despotismes orientaux, grande thèse de géopolitique. L'École américaine – ou École de Berkeley - s'est toujours intéressée à la dimension culturelle qui marque l'espace terrestre.
Le retour de la géopolitique américaine se poursuit au XXe siècle avec les thèses de Samuel Huntington dans Le Choc des civilisations.

L'École française

Montesquieu et la théorie des climats

Montesquieu (1689-1755) dote la théorie des climats d'une force retentissante en l'appliquant au seul domaine politique. Il l'esquisse d'abord dans les Lettres persanes, puis lui donne une place considérable dans De l'esprit des lois :
« Ce sont les différents besoins dans les différents climats, qui ont formé les différentes manières de vivre ; et ces différentes manières de vivre ont formé les diverses sortes de lois »
— Montesquieu, L’Esprit des lois, 3e partie, Livre XIV, chap. X.
Montesquieu évoque l'idée selon laquelle l'Homme est influencé par son climat. Pour lui, le climat tempéré de la France est idéal pour le développement d'un système politique.

Élisée Reclus

D'inspiration anarchiste, Élisée Reclus (1830 – 1905) est considéré comme l'un des précurseurs de la pensée géopolitique française notamment par son ouvrage, Nouvelle Géographie universelle.
Comme Ratzel, il envisage la géographie dans une vision globale, toutefois ce dernier s'oppose à Ratzel car il considère que la géographie n'est pas immuable, elle évolue en fonction de sa dimension sociale. L’École française de géopolitique s'est développée en réponse à la conception allemande de la géopolitique. D'après Yves Lacoste, l'un des ouvrages de Paul Vidal de la Blache (1845-1918), père de l'École française de géographie, La France de l'Est (1917) doit être analysé comme un ouvrage géopolitique dans la mesure où Vidal de la Blache explique les raisons de l'appartenance de l'Alsace et la Lorraine à la France.

Fernand Braudel, Vidal de la Blache et les temps longs

Fernand Braudel en s'inspirant des travaux de Paul Vidal de la Blache (1845-1918) s'emploie à développer une méthode d'analyse historico-géographique. Cette Méthode est incarnée par ses ouvrages La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II, Grammaire des civilisations, et plus tard par une série d’articles méthodologiques qu’il publie en 1969 dans Écrits sur l'Histoire.
Ces travaux consistant à s'intéresser à des zones particulières sur de longues périodes en se détachant d'événements particuliers considérés comme non pertinents sont à rapprocher des échelles mutiscalaires (diachronie) développées par Yves Lacoste.

Jacques Ancel

Le géographe Jacques Ancel (1882-1943), auteur d'ouvrages sur la question des nationalités dans l'Empire austro-hongrois, s'intéresse aux questions des frontières définies comme des « isobare(s) politique(s), qui fixe(nt), pour un temps, l'équilibre entre deux pressions ; équilibre de masses, équilibre de force »16, reprenant les travaux d'André Chéradame17.
S'il existe une géopolitique française, c'est surtout dans la contestation de l'approche géopolitique allemande et de ses légitimations déterministes. Chéradame, dès 1916, condamne les dérives de la Geopolitik allemande dans son ouvrage Le plan pangermaniste démasqué. Le redoutable piège berlinois de la partie nulle. Dans l'entre-deux guerre, l'amiral Raoul Castex (1878-1968) synthétise la stratégie navale dans son ouvrage à portée géopolitique Théories stratégiques(1929).
Il semble toutefois que ces trois directions ne soient pas aussi éloignées les unes des autres. En effet, toutes trois proposent une géopolitique dynamique, active, percevant l'État comme un organisme qui doit vivre ou survivre face à la concurrence d'autres États.

Fin de la géopolitique avec la Seconde Guerre mondiale ?

Après la Seconde Guerre mondiale, la notion de géopolitique, traduisant mal une répartition de plus en plus complexe des pouvoirs institutionnels dans le monde, recule au profit de quatre disciplines de sciences humaines :
  • les relations internationales, appuyées sur la théorie du droit international ;
  • la sociologie politique, sociologie des relations internationales18. Sur ce point, l'évolution reste limitée, puisque la notion d'international reflète la division du monde en nations souveraines, ce qui se traduit en pratique par l'intergouvernemental plutôt que par une mondialisation institutionnelle ;
  • la géographie politique qui étudie :
    • l'organisation du pouvoir et des territoires à la surface de la Terre,
    • le découpage social de l'espace dans les relations de pouvoir,
    • la cartographie électorale ;
  • La géostratégie, étude des intérêts des États et des acteurs politiques dans l'espace surtout international.
    C'est un espace du droit international, des alliances, des conflits, des positions parce que la stratégie consiste à projeter les intérêts d'un État dans le monde (et par extension pour les entreprises).
    Le géostratège envisage les conséquences d'un conflit localisé.

Yves Lacoste

Depuis la fin des années soixante, cette école de pensée a été réactualisée à travers les différents ouvrages de Yves Lacoste et l'Institut français de géopolitique (IFG) de Saint-Denis (Université Paris 8), dirigé par Béatrice Giblin-Delvallet. Disciple de Lacoste, Pascal Lorot travaille sur les relations entre géopolitique et économie et fonde la géoéconomie.

L'analyse géopolitique aujourd'hui

Retour de la géopolitique en France

La géopolitique, après avoir été bannie comme savoir scientifique, a retrouvé une nouvelle légitimité d'approche à la suite des différents conflits qui ont émergé dans les années 1970. Dans son essai, le géographe Yves Lacoste dénonce la mainmise des différents États-majors (politique, militaire, financier, économique) sur les savoirs cartographiques et géographiques limités à des perspectives stratégiques. Il souhaite une vulgarisation de l'approche géographique. À la même période, autour d'un cénacle d'enseignants de divers horizons, il lance la Revue Hérodote qui se veut une revue de stratégie et de géopolitique. Lacoste définit la nouvelle géopolitique comme « l'étude des interactions entre le politique et le territoire, les rivalités ou les tensions qui trouvent leur origine ou leur développement sur le territoire ».
La géopolitique, afin d'éviter de retomber dans les travers du passé, se doit d'utiliser l'ensemble des connaissances liées à la géographie (géographie physique, mais aussi la géographie humaine dans toutes ses composantes (sociales, économiques, culturelles, sanitaires), les matières premières et les flux de ressources), mais aussi utiliser l'histoire, la science politique, etc.
La mondialisation pourra peut-être conforter la légitimité de nouvelles approches géopolitiques.

Représentation, diachronie, diatopie, horogénèse

Dans ses nombreux ouvrages, Yves Lacoste développe trois concepts clefs permettant de conduire une analyse géopolitique 19
l'étude des représentations, la diachronie et la diatopie.
Le concept de représentation en géopolitique réside dans l'analyse des conceptions que peut avoir un individus ou un groupe d'individus par rapport à un sujet. Ainsi on peut étudier la façon dont il se perçoit par rapport à un groupe auquel il appartient ou pas (imaginons la façon dont se perçoit un corse par rapport aux autres français, comment les autres français le perçoivent…).
L'étude de la diachronie et de la diatopie résident l'étude d'une situation à différentes échelles cartographique (analyse multiscalaire) sur des temps longs (plusieurs époques).
Par ailleurs; Michel Foucher développe le concept d'horogenèse, néologisme qui se définit comme une discipline s'intéressant à la genèse des frontières.

Les axes d'analyses

Le terme de géopolitique revêt une connotation stratégique, voire militaire, tandis que le terme de géographie politique fait plutôt référence à l'organisation des États, des régions, des entités administratives, des frontières, et des habitants. On constate que de nos jours la mondialisation et l'effondrement d'un monde bipolaire ont multiplié et complexifié les liens entre toutes les populations de la planète. Depuis une dizaine d'années, les centres universitaires multiplient les sections géopolitiques afin de répondre à une demande croissante d'analyse dite géopolitique.
Par sa recherche des interactions entre les grandes zones du monde (énergie et matières premières, flux de ressources, passages à risques), la géopolitique s'intéresse naturellement à la politique internationale et à ses aspects diplomatiques. Certains auteurs Béatrice Giblin se sont toutefois penchés sur des questions de géopolitique interne.

Dès le début des années 1980 étaient entrevus des risques de marginalisation géopolitique de l'Europe, qui pourraient s'accentuer aujourd'hui si la réaction n'est pas adaptée :
  • liaisons sur l'océan Pacifique prenant le pas sur celles de l'océan Atlantique;
  • impact de la fonte de la banquise dans l'Arctique sous l'effet du changement climatique, et évolutions structurelles du transport maritime et aérien.

  • Retour du charbon (propre) : Australie, Chine, Canada, etc.

Les enjeux

  • enjeux démographiques liés à la surpopulation mondiale ;
  • enjeux humains liés aux flux désordonnés de populations, aux migrations non contrôlées, etc. ;
  • dans ce contexte, la pérennité des langues dans le monde est un enjeu très important ;
  • enjeux culturels associés à l'utilisation d'une langue ;
  • recrudescence des menaces terroristes ;
  • risques de prolifération nucléaire (Iran, Corée du Nord) ;
  • recherche de la maîtrise du cycle fermé de l'uranium, et partenariats mondiaux ;
  • accès à l'eau potable et à l'assainissement (Turquie, Syrie, Israël, Asie, Afrique, etc.) ;
  • ressources halieutiques et zones de pêche ;
  • agroressources au Brésil, usines biochimiques ;
  • accès aux ressources naturelles en Afrique, au Moyen-Orient, etc. ;
  • polarisation et maillages mondiaux: villes à stature mondiale, pôles de compétence économique et technologiques, imbrications économiques, fracture numérique ;
  • gisements éoliens ou hydroliens ;
  • risques sur les tunnels transfrontaliers ;
  • remises en cause internes de l'État (régionalisme, autonomie, séparatisme, indépendantisme) : au Canada (Québécois) ; Europe (Bretons, Catalans, Flamands, Ligue du Nord, Savoie, Wallons D.O.M [voir les états généraux de l'outre-mer]) ; Afrique… ;
Le détroit d'Ormuz : point de tension géostratégique entre l'Iran, Oman (péninsule de Musandam) et les Émirats arabes unis.

Les facteurs décisifs dans les alliances

La géopolitique s'attache à étudier les différents facteurs qui aboutissent à la constitution des alliances.
La géopolitique s'intéresse aux différents facteurs qui influencent les stratégies :
  • maîtrise globale des mers et/ou de la terre (peuples de la mer, peuples de la terre) : on assiste souvent à des différences de stratégie entre une puissance ou une alliance entre puissances maritimes et une puissance ou une alliance entre puissances continentales, ce facteur influence les autres ;
  • contrôle des points de passage et des moyens de transport : détroits, cols, tunnels, aéroports, ports, gares ;
  • facteurs financiers (impôts, taxes…) ;
  • accès aux ressources naturelles et aux matières premières ;
  • maîtrise des techniques (navigation, aéronautique et espace…) ;
  • types de régimes politiques (démocratie, etc.) ;
  • facteurs culturels, sociologiques et philosophiques ;

Aspects militaires et énergétiques

Les États-Unis ont mis en place depuis la fin des années 1980 une stratégie globale visant à assurer la suprématie de l'armée américaine et des entreprises américaines sur le monde20. Elle est structurée autour d'un consortium de grandes entreprises des secteurs de l'informatique et de l'aéronautique, qui a permis de projeter les forces américaines en Irak, lors des deux guerres du Golfe en 1991 et en 2003. Cette stratégie globale concerne maintenant presque tous les secteurs d'activité, et s'appuie sur une utilisation très structurée des technologies de l'information (Internet, réseaux).
L'accès aux ressources pétrolières conduit à définir des stratégies spécifiques (voir géopolitique du pétrole).
On constate ses effets également dans l'alliance que les États-Unis ont réalisée, en réponse au protocole de Kyoto, avec la Chine, l'Inde, le Japon, et l'Australie, visant à développer le charbon propre, et les nouvelles générations de réacteurs nucléaires (réacteurs de génération IV, Integral Fast Reactor (en)).

Aspects linguistiques

La langue est un facteur essentiel de la communication entre les peuples. Ainsi, la précision du langage peut-elle jouer un rôle décisif dans des négociations internationales.
C'est sans doute l'un des facteurs qui a fait que la langue française était la langue parlée dans les cours européennes au siècle des Lumières (XVIIIe siècle). En effet, le français a été normalisé et « défendu » dès 1635 par l'Académie française.
Il en a résulté des règles strictes de droit international public, reconnues dans le statut des langues officielles retenues par l'Organisation des Nations unies. Le français est ainsi l'une des six langues officielles reconnues par l'ONU pour les négociations internationales. Le français joue donc un rôle important dans la diplomatie.
Les gentilés (noms d'habitants d'un continent, d'un pays, d'une région, par exemple) sont un aspect relativement invariable de la géographie linguistique.
Exemples :
  • un Français (avec une majuscule = le gentilé) ;
  • un Européen.
Le français, glottonyme qui désigne la langue française. Dans un contexte de mondialisation, où l'utilisation de l'Internet se répand de plus en plus de par le monde, on peut s'interroger sur la pérennité des langues. L'attribution d'un nom à une langue est un « enjeu géopolitique » essentiel.
Article connexe : glottonymie.

Quelques grands mouvements géopolitiques dans l'Histoire

Avec le recul de l'Histoire, on perçoit plus facilement les grandes tendances, et les motivations qui ont conduit les États à adopter une stratégie :
  • la politique de glacis (Cyrénaïque, Chypre, Palestine) développée par l'Égypte ptolémaïque.
  • le contrôle des cols alpins, qui fut un enjeu majeur de l'époque préromaine (péages celtes) et de l'époque romaine (péages imposés par Rome),
  • l'effondrement de l'empire carolingien au IXesiècle, sous l'effet des invasions des Vikings (remontée des fleuves par les knörrs), des Sarrasins et des Hongrois,
  • le développement de l'empire chinois sous la dynastie des Song du Xe au XIIe siècle ;
  • le développement de la civilisation islamique du VIIIe au XVe siècle ;
  • le développement des Républiques de Venise et de Gênes, qui s'est effectué par le commerce dans la Méditerranée, consécutif aux croisades ;
  • le développement du commerce maritime au XVe siècle entre Londres, Bruges, les Villes hanséatiques du nord, Gênes et Venise, qui a ruiné les voies de commerce continentales qui passaient par les foires de Champagne (Provins, Troyes…) ;
  • le contournement de l'Afrique par les grands navires marchands européens, faisant suite à la chute de Constantinople, dont la conséquence fut que le commerce caravanier s'en ressentit : déclin inexorable de villes commerciales puissantes comme Tombouctou, Gao ou Samarcande, et celui des empires associés à leur prospérité ;
  • la consolidation politique de la France sous Louis XIII et Louis XIV, contre la puissance espagnole ;
  • la fin du Premier Empire en 1814/1815, sous l'effet des différentes coalitions entre l'Angleterre et des puissances continentales ;
  • la victoire de l'alliance France/Angleterre/États-Unis… contre l'alliance continentale autour de l'Allemagne pendant la Première Guerre mondiale ;
  • l'écroulement du IIIe Reich sous l'effet du débarquement des forces américaines, anglaises, françaises (débarquement en Provence, libération de Paris), canadiennes, et de l'avancée soviétique ;
  • le contrôle des lieux de passage maritimes ou terrestres, et les conflits autour du Bosphore ou de Gibraltar ;
  • la construction de tunnels ferroviaires et routiers, de péages, à travers les Alpes, etc.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire